[Première partie] [Deuxième partie][Troisième partie]
Le deuxième tome de la série Le Front nous présente lui aussi cinq histoires. Heureusement, en comparaison avec le premier tome, les éditeurs ont corrigé le tir et travaillé la qualité de l’impression. Nous pouvons voir les dessins cette fois-ci. C’est une des qualités importantes pour une bande dessinée. Ils gagnent de l’expérience d’un numéro à l’autre, tout comme les artistes qui y participent.
Kandahar P.Q. par Hicham Absa et Guillaume Boucher
Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais je vous ai déjà parlé de Hicham lorsqu’il a publié la nouvelle L’ennemi secret dans le collectif Histoire d’hiver. Pour consulter l’article. Celle dont je m’apprête à vous parler a été publiée plus tôt dans l’année par rapport à celle de chez Glénat Québec, mais le thème est semblable. L’histoire, qui nous parle de nouveau de la guerre, est une collaboration avec le scénariste Guillaume Boucher.
Les auteurs se sont inspirés d’un sujet de l’actualité. En effet, les soldats canadiens revenant du front rapportent souvent des syndromes post-traumatiques dus au stress intense que leur fait subir la guerre. Le scénario est dynamique et sa construction est plutôt originale. Il nous envoie constamment d’un pays à l’autre et finit par confondre les actions de l’un et de l’autre. Nous pourrions qualifier ce scénario de schizophrénique. J’ai trouvé que les illustrations étaient un peu drabes sans être pour autant mal exécutées. Elles sont plus du courant réaliste que caricatural de la bande dessinée. C’est un style difficile à bien maîtriser, car nous pouvons facilement comparer avec la réalité. Hicham montre beaucoup de talent, mais nous sentons qu’il sera meilleur de projet en projet. C’est un jeune artiste prometteur.
Mademoiselle de Lydie par Yvon Roy et Marc Dorais
Mademoiselle de Lydie est une histoire racontant la disparition d’Edward Matis et des tentatives de son ami pour connaître ce qui lui est arrivé. L’action se déroule au dix-huitième siècle. La construction du texte est parfaite. La chute est géniale et à moins d’être amateurs de mythologie, nous ne devinons pas ce qui se passera avant la toute dernière page. Le travail d’illustration dans un genre classique est très bien exécuté. Roy joue avec les noirs et les textures pour donner de la profondeur aux cases. Sans être révolutionnaire, c’est une bande dessinée travaillée et de bonne qualité.
Peine de mort par Olivier Carpentier et Gautier Langevin
C’est une nouvelle magnifiquement construite que nous offrent ici Olivier et Gautier. Se déroulant sur douze pages, l’histoire que nous découvrons est celle du père Sullivan et de sa femme, mais surtout le récit de leur duel momentanément interrompu par un mariage qui donna naissance à leur fils. Le travail d’illustration est tout simplement génial. L’esthétique des personnages nous fait légèrement penser à celui du groupe de musique Gorilaz. Les pages sont très belles et remplies de détails et de nuances. Les personnages sont beaux, les décors sont beaux; tout est beau. À quand un album complet pour Olivier Carpentier? Il a d’ailleurs aussi participé au premier tome de Front Froid. L’article.
Plan de contingence par Louis-Philippe Bastien et Minh Nguyen
Ce récit philosophique raconte brillamment le combat entre deux êtres surnaturels. Le premier peut devenir invisible et le second peut voir l’avenir avec un délai de trente secondes. Tout au long du combat, une réflexion philosophique portant sur le déterminisme se déroule dans la tête d’un des personnages. Il aurait été facile de se perdre dans les détails trop techniques. Mais non. Le propos reste clair et ne nous fait décrocher aucunement de l’histoire.
Les illustrations sont bien réussies. On sent une pointe d’inspiration du monde du manga. Les traits des personnages ainsi que les super pouvoirs qui leur sont attribués dans le récit sont familiers pour ce genre. Nous n’aurions pas tout faux de dire que c’est du Manga à l’américaine. Les cases sont remplies d’actions. Les corps sont toujours dessinés en mouvement ce qui les rend vivantes. Mais il manque un petit quelque chose et je n’arrive pas à mettre le doigt dessus. J’ai hâte de découvrir ce qu’ils auront à nous proposer dans leurs prochains projets.
Tous mes amis sont morts avant le temps par Jeik Dion
La participation de Jeik dans le premier numéro du collectif Le Front avait été malmenée par une impression plutôt ordinaire. Nous mettrons la faute sur le dos du manque d’expérience. Mais là, trop génial! C’est mon coup de coeur de ce numéro. Cette histoire est complètement trash et disjonctée. Les nombre exagérées ux personnages sont tous plus invraisemblables les uns que les autres. Nous rentrons directement dans l’imagination débridée de Jeik Dion. C’est totalement éclaté. L’histoire va dans tous les sens, mais au fil des pages une histoire secondaire se dessine et l’on comprend tout à la dernière scène.
C’est une très belle bande dessinée. Les dessins sont d’un genre pratiquement propre à l’auteur et il est peu exploité. Les cases sont croches et débordent, les traits sont larges et les expressions sont. Ça donne une saveur particulière aux pages. On pourrait faire un rapprochement entre le coup de crayon de Jeik et de Zilon. Bref, c’est un style un peu difficile à définir, mais très spectaculaire. C’est une explosion d’idées qui vous arrive en plein visage toutes en même temps.
En terminant, j’aimerais remercier les bénévoles de chez Front Froid pour toute l’énergie qu’ils déploient pour publier ces ouvrages. Les jeunes auteurs ont en effet très peu de tribunes au Québec pour s’exprimer par leur plume. Continuer votre très bon travail.